jeudi 15 mai 2008

La céramique de poêle du château de Beaufremont

Le château de Beaufremont, comme bon nombre de résidences nobles de Lorraine, a livré – et continue de livrer en dehors de tout contexte de fouille archéologique - une quantité non négligeable de mobilier céramique, la plupart du temps très fragmentaire. C’est ainsi qu’a été retrouvée lors d’un ramassage de surface dans les ruines du château une vingtaine de fragments de carreaux de poêle, plus ou moins bien conservés. Le contexte de cette trouvaille est inconnu et ne peut malheureusement être rattaché à aucune stratigraphie.
On distingue nettement deux séries, étudiées par Guillaume Huot-Marchand dans sa thèse de doctorat (voir bibliographie en bas de ce message) : une première, datable de la seconde moitié du XVe siècle ou du début du XVIe siècle, est composée de carreaux qui s’apparentent à des types courants en Lorraine à cette époque. Par contre, la seconde série s’avère beaucoup plus intéressante car elle regroupe une douzaine de carreaux recouverts d’émail stannifère blanc et bleu (voir photo) : la glaçure blanche est obtenue par un mélange d’oxyde de plomb et d’oxyde d’étain (donnant ce que l’on appelle communément la faïence), et le bleu par ajout d’oxyde de cobalt.

Toujours d’après G. Huot-Marchand, si une telle technique se rencontre déjà sur des tuiles et des carreaux de pavement dès le XIVe siècle en Bourgogne et dans les provinces du Nord, ces carreaux pourraient être les plus vieilles céramiques de poêle revêtues d’émail stannifère dans la région, car attribuable à la toute fin du XVe ou à la première moitié du siècle suivant. Des carreaux similaires, datables de la seconde moitié du XVe siècle, ont été retrouvé à Berne, en Suisse ; et un compte du Palais Ducal de Nancy de 1548-1549 fait mention de carreaux de pavement « amailliez de blanc, d’azure ».

Or, l’histoire du château nous apprend qu’il fut, de 1486 à 1518, la possession de Claude d’Arberg, issu de la famille des comtes d’Arberg, seigneurs de Valangin, originaire des environs de Neuchâtel, en Suisse. C’est certainement lui qui fit construire le nouveau logis seigneurial, beaucoup plus confortable que les anciens bâtiments, encore en élévation aujourd’hui. Un inventaire de 1565 nous informe que dans ce logis, la salle seigneuriale située au-dessus des cuisines était appelée le « grand poêle » car elle proposait justement ce système de chauffage.
On peut donc avancer l’hypothèse que la technique de l’émail stannifère ait pu être apportée de Suisse en Lorraine par Claude d’Arberg, d’abord à Beaufremont, puis qu’elle se soit ensuite diffusée dans la région et notamment à la cour ducale de Lorraine.

Bibliographie : Guillaume HUOT-MARCHAND, La céramique de poêle en Lorraine au Moyen Age et au début de l’époque moderne, 2006, Gérard Louis (contient les dessins et hypothèse de restitution du poêle de Beaufremont).

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