mercredi 29 octobre 2008

Châteaux et villes fortes du Comté de Vaudémont en Lorraine médiévale

Notons la publication récente par Gérard Giuliato, professeur à l'université Nancy 2, de cet ouvrage consacré aux fortifications du comté de Vaudémont (Bainville-aux-Miroirs, Chaligny, Châtel-sur-Moselle, Deuilly, Messein, Pont-Saint-Vincent, Vaudémont et Vézelise), accompagné d'un CD rom. Je joins ici le résumé de l'éditeur :

" Depuis les travaux de Michel François consacrés à l'histoire des comtes de Vaudémont, il restait à donner une base matérielle à cette principauté. C'est chose faite avec l'ouvrage de Gérard Giuliato à travers lequel on voit se constituer le comté au détriment de deux pagi carolingiens, le Saintois et le Chaumontois. L'auteur propose une lecture attentive des constructions fortifiées au premier rang desquelles se détachent l'énigmatique tour Brunehaut — le plus ancien donjon de Lorraine — et Châtel-sur-Moselle, exceptionnel ensemble du milieu du 15e siècle, adapté à l'artillerie à poudre. Il nous révèle aussi d'autres sites comme Bainville-aux-Miroirs, Chaligny, Deuilly, Messein, Pont-Saint-Vincent et Vézelise généralement oubliés car moins bien conservés.


Accompagné de nombreuses cartes, de plans, de relevés d'architecture et d'un cédérom qui invite à une visite virtuelle des sites dans leurs moindres détails, l'ouvrage permet de comprendre l'évolution de l'architecture défensive lorraine durant cinq siècles. Cette étude fondée sur le croisement des sources écrites et des sources archéologiques montre comment un réseau de fortification peut constituer un bon reflet du pouvoir d'un prince au Moyen Âge. Les comtes de Vaudémont surent conserver la plénitude de leur droit de défense en bâtissant les châteaux et enceintes urbaines nécessaires à assurer la sécurité de leurs terres et de leurs sujets et en gardèrent un contrôle jaloux. Contrairement à d'autres princes, ils n'aliénèrent aucune de leurs possessions et empêchèrent la prolifération de maisons fortes et de toute fortification tenue par des vassaux.


Ce patrimoine joua un rôle important dans l'histoire militaire de la région à la fin du Moyen Âge. En 1346, il entra dans les possessions des sires de Joinville avant d'être divisé en 1380. Châtel, Bainville et Chaligny constituèrent une nouvelle entité qui passa par mariage aux sires de Neufchâtel (Franche-Comté). Unis, les deux lignages affrontèrent René Ier entre 1430 et 1441 avant de s'opposer en 1475-1477. Il fallut attendre 1543 pour que le domaine ancestral soit rassemblé par le duc Antoine, avec l'accord du roi de France et de l'empereur. "


Possibilité de commander l'ouvrage en ligne, au prix de 30 € (plus les frais de port) sur le site du Comptoir des Presses d'Universités, en cliquant sur le lien suivant :



dimanche 19 octobre 2008

L'Eglise, les princes et le bon vin dans la Bourgogne médiévale

La lecture récente du petit mais passionnant ouvrage de Jean-Robert Pitte sur les vignobles bordelais et bourguignons (Bordeaux Bourgogne. Les passions rivales, 2005) est l’occasion de parler des liens que les grands seigneurs bourguignons entretenaient avec le vignoble de Bourgogne. En particulier Pierre de Beaufremont, seigneur de Charny et de Molinot, était seigneur de Ladoix-Serrigny, au cœur des grands vignobles du nord immédiat de Beaune (Pernand-Vergelesses, Aloxe-Corton, ...).

Il possède sur le coteau du Bois de Corton des clos, c’est-à-dire des vignes protégées par des murs. Ces derniers ont un triple avantage : se débarrasser des grosses pierres qui abondent sur le versant, protéger les plantations des divagations du bétail, et affirmer la propriété seigneurial de la vigne. Ce n’est pas inutile comme le prouve le différend qui oppose Pierre de Beaufremont à son noble voisin Guillaume de Sercy, seigneur d’Igornay et d’Aloxe-Corton, également bailli de Chalon : de 1452 à 1462, Pierre est en procès au sujet d’une de ses vignes que le seigneur de Sercy a vendangé « par erreur ». De ce procès a été conservé un volumineux registre (plus de 300 pages, collection particulière) qui reprend toutes les dépositions des témoins appelés à régler ce différend sous l’autorité du duc de Bourgogne Philippe le Bon. La transcription de ce registre apporte une foule de détail sur la gestion des vignes et témoigne déjà de l’importance que revêt le vin de Bourgogne.

Ce document est aussi une belle illustration de l’histoire du vignoble bourguignon, comme le montre cet extrait qui définit les limites du finage de Ladoix-Serrigny :


« (...) lesdits finaiges et territoires dudit Sarrigny et de Ladoix sont grans et bien spacieulx, et se extendent et durent du cousté devers Alosse jusques à ung ancien chemin commun qui se prent et commence on [...détruit...] chemin en tirant de Notre Dame du Chemin à Beaune tirant tout au long de la vigne de messire Hugues d’Arguel appellée la Bruere. Et dans le bout dudit ancien chemin en tirant contre le bois de Courton par une roye passant par le bout de la vigne Jehan Alyot appellé le Chaillot à Larmereaul, et dans le bout de ladite roye en tirant contre le bout de Courton par le bout de la vigne Huguenin Callet qu’il tient de Cisteaulx. Et dès là en tirant par le bout de la vigne Jehan Berthelemy du Fenye, et aussi pardessoubz la vigne dudit messire Hugues d’Arguel, et dans là par le bout de la vigne du chapitre d’Ostun tirant par le bout de la vigne de Guillaume de Savoye. Et dès là par le bout de la vigne de Richart Melenart, et dans là par le bout de la vigne qui fut à la femme hoirs de feu Guillaume Monot. Et dès là par le bout de la vigne de Jehan Symon qu’il tient de ceulx du Temple. Et dès là par dessoubz la vigne de chapittre d’Ostun et passant parmy la vigne Henriot Larderiet, et dès là par une roye estant au long de la vigne par Lombart d’Ostun, et dans là en traversant la rue commune en tirant par une roye au long de la vigne Richart Juifz tirant par le travers du Cloux de la Perriere appartenant es religieux de Cisteaulx passant au travers de la vigne Dieu tirant à une roye au long de la vigne qui fut à Hugues Monot qu’il tient de par Symon Arbeleste, jusques au bois de Corton, lesdites vignes estant et comprinses dedans et desdites finaiges et territoires dudit Sarrigny et de Ladoix (...). »

On sait en effet que c’est l’Eglise, notamment l’évêque de Langres, qui a maintenu en Bourgogne la viticulture de tradition romaine durant tout le haut-Moyen Age. Puis viennent les abbayes, d’abord Cluny (910), et surtout Citeaux qui est fondée en 1098 : on doit à cette abbaye l’installation du mondialement célèbre Clos de Vougeot, sur des terres données par la famille de Vergy vers 1110 (la mère de Pierre de Beaufremont est Jeanne de Vergy, il lui doit sa seigneurie de Ladoix-Serrigny). On voit dans l’extrait que les Cisterciens possèdent au moins deux clos à Ladoix-Serrigny, mais qu’on y trouve également deux autres très grands propriétaires ecclésiastiques de vignes au Moyen Age : le chapitre cathédral d’Autun et les Templiers. On a donc un foncier aux mains de grands propriétaires ecclésiastiques (chapitres cathédraux et abbayes) et laïcs (nobles de la cour du duc de Bourgogne), dont fait partie Pierre de Beaufremont.