samedi 27 décembre 2008

A propos du château des évêques de Metz à Vic-sur-Seille


A l'occasion de l'exposition qui se tient jusqu'au 22 février 2009 au Musée départemental Georges de la Tour de Vic-sur-Seille, Jean-Denis Laffite, archéologue à l'INRAP, a publié ce petit ouvrage richement illustré aux éditions Serpenoise. Il y fait le bilan de 15 années de recherches archéologiques sur Vic-sur-Seille, et plus précisément sur le château qu'y possédaient les évêques de Metz.

Les fouilles archéologiques menées en 2006 et 2007 ont notamment fourni des informations inédites sur l'origine du château et son évolution. En particulier, elles ont mis en évidence la présence d'un châtelet avancé à pont-levis. Il s'agit d'une avancée fortifiée construite au devant de l'ancienne porte du château pour améliorer sa défense et son esthétique, formée d'un sas d'entrée entre la nouvelle et l'ancienne porte. Ce châtelet se présentait comme un terre-plein construit dans le fossé, avec deux tourelles encadrant la nouvelle porte. Celle-ci possédait un système d'entrée sélectif avec porte cochère et porte piétonne.

Si j'évoque ici ce système de châtelet avancé à pont-levis mis en évidence par la fouille archéologique à Vic-sur-Seille, c'est parce que l'on trouve un système équivalent au niveau du pont-levis occidental du château de Beaufremont (voir les messages sur le pont-levis occidental). Le châtelet est constitué comme à Vic d'un terre-plein maçonné construit au-devant de l'ancienne porte dans les fossés, d'une nouvelle porte avec système sélectif d'entrée (porte piétonne-porte cochère) flanquée de deux tourelles, et d'un sas entre les deux portes. Jean-Denis Laffite date la construction du châtelet avancé de Vic du XVe siècle, sans davantage de précision ; les observations faites à Beaufremont plaident pour une datation de la fin du XVe siècle ou de la première moitié du XVIe siècle.

[bibliographie : Jean-Denis LAFFITE, Le château des évêques de Metz à Vic-sur-Seille, éditions Serpenoise, 2008, 64 p., 20 €]

dimanche 16 novembre 2008

Histoire des seigneurs de Beaufremont (3)



Les problèmes de successions aux XVème et XVIème siècles


En 1415, Jean de Beaufremont, désigné pour succéder à son père Philibert, est mortellement blessé à la bataille d’Azincourt. Le décès de Philibert de Beaufremont l’année suivante attise les convoitises sur sa succession. Par testament, il a désigné comme seul et unique héritier Pierre de Beaufremont, seigneur de Ruppes, qui est à la fois son petit-fils et le descendant de la branche cadette des sires de Ruppes.

C’est d’abord Isabelle, fille de Philibert qui a épousé Richard d’Oiselet, qui conteste le testament dès la mort de son père. Elle pousse ses deux fils Guillaume et Philibert à faire valoir leurs droits, ce qu’ils font en prenant le château de Beaufremont et en faisant prisonnier Pierre
. Celui-ci parvient à se libérer, à reprendre le château en 1435 et à obtenir des d’Oiselet l’arrêt de leurs revendications. Le répit est de courte durée pour Pierre de Ruppes puisqu’en 1445, il est accusé par le duc de Bar et de Lorraine René Ier de faux-monnayage. Le duc prononce la commise de la seigneurie qu’il remet aussitôt à Pierre de Beaufremont, comte de Charny, qui descend de la branche cadette de Scey-sur-Saône. Il s’agit là d’une manœuvre habile de la part du duc qui, étant redevable au duc de Bourgogne d’une rançon de 4000 saluts d’or à la suite de la bataille de Bulgnéville, avait dû engager sa châtellenie de Gondrecourt-le-Château au comte de Charny contre ladite somme ; cette accusation, peut-être infondée, était un moyen simple et peu coûteux de récupérer Gondrecourt en l’échangeant contre une seigneurie qu’il venait de confisquer. Finalement, Pierre de Ruppes en appelle au roi de France et à son Parlement qui lui donne raison : en 1449, Pierre de Beaufremont, comte de Charny, remet à Pierre de Ruppes la seigneurie de Beaufremont, où il meurt en 1468 sans descendance.

Il avait cependant pris soin de désigner de son vivant pour lui succéder son cousin Jean III d’Arberg, seigneur de Valangin. Ce dernier l’avait en effet aidé dans sa quête pour recouvrer la seigneurie de Beaufremont, en échange de quoi Pierre de Ruppes fit à Jean d’Arberg un legs déguisé : il lui remit en viager la moitié de la seigneurie de Beaufremont dès 1450, tandis que l’autre moitié lui était engagée en garantie d’un prêt fictif. Par ce biais, Jean III d’Arberg devait entrer en possession de l’intégralité de la seigneurie à la mort de Pierre, ce qui fut confirmé dans le testament que Pierre rédigea peu de temps avant sa mort en 1468. Mais René Ier prononça pour la seconde fois la commise du fief de Beaufremont, contestant la légitimité de cette succession et notamment le legs déguisé. Il remit la seigneurie en janvier 1469 à son gendre Ferri, comte de Vaudémont, et à sa fille Yolande d’Anjou
. La terre de Beaufremont passa ensuite à leur fils René II, duc de Bar et de Lorraine, qui en confia la garde à son chambellan et grand écuyer Gérard d’Avillers. Finalement, après une première conférence infructueuse tenue en 1484 à Lucerne, un traité fut conclu au terme d’une seconde conférence qui eut lieu à Soleure en avril 1486 : Jean III d’Arberg dut vendre au duc René II la seigneurie de Beaufremont pour ensuite la reprendre en fief. Le 12 mars 1487, Claude d’Arberg fit foi et hommage au duc de Lorraine, son père lui laissant de son vivant le titre de seigneur de Beaufremont (Jean III décèdera en 1497) ; René II s’attacha aussitôt le nouveau seigneur en le nommant son conseiller et chambellan.

Cette cérémonie d’hommage coïncide avec le mariage de Claude avec Guillemette de Vergy. De leur union naît une fille unique, Louise, qu’ils marient en 1502 au comte Philibert de Challant, chambellan du duc de Savoie. Philibert décède en 1517, un an avant son beau-père le comte d’Arberg. C’est donc le petit-fils de Claude, René de Challant, qui lui succède. Il concentre alors dans ses mains un patrimoine foncier impressionnant, composé des biens des familles de Beaufremont, d’Arberg et de Challant
, et ne réside pas de manière permanente à Beaufremont.

René de Challant est quatre fois marié, à Marie Gaspardone (1522), Mancie de Portugal (1528), Marie de la Palud (1561) et enfin à Péronne de la Chambre (1563). De son second mariage, il a eu deux filles qui épousent chacune un représentant de la grande noblesse transalpine : l’aînée Philiberte s’allie à Joseph de Tornielle, et sa cadette Isabelle épouse Jean-Frédéric de Madruce. A la mort de René de Challant, les deux sœurs engagent une lutte acharnée pour obtenir l’héritage paternel. Isabelle s’appuie notamment sur un testament de son père, daté de 1557, qui déshérite sa sœur aînée à son profit, et elle s’empresse de prendre possession de ses biens et d’en dresser l’inventaire général. Cependant, Philiberte prétend qu’un second testament la rétablit dans ses droits. Beaufremont étant une possession mineure dans ce dossier complexe, les deux sœurs parviennent à un accord tacite de partage de la seigneurie. Mais en 1573, le duc de Savoie Emmanuel-Philibert donne raison à Philiberte et institue les Tornielle comme seuls propriétaires de Beaufremont. Au terme de longues procédures, Isabelle qui en a appelé au duc de Lorraine, le convainc qu’elle mérite autant que sa sœur une part de la seigneurie de Beaufremont : en octobre 1589, les héritiers de Philiberte et Isabelle s’accordent sur un partage du château et de la seigneurie de Beaufremont en deux lots d’égale importance.


Ce partage restera effectif jusqu’à la Révolution française. La moitié des Madruce passe aux Lenoncourt au début du XVIIème siècle puis est vendue en 1675 à la famille d’Alençon, tandis que la part des Tornielle passe à la famille Labbé en 1680. Entre-temps, le château est démantelé, sur ordre de Richelieu lors des campagnes de 1634, par François de l’Hospital, seigneur du Hallier. A la révolution, la terre de Beaufremont est saisie comme bien national, partagée en lots et vendue à plusieurs acheteurs, ce qui achève de ruiner le château. Aujourd’hui, le château est redevenu propriété de la famille de Bauffremont, issue de la branche cadette de Scey-sur-Saône.

lundi 10 novembre 2008

Histoire des seigneurs de Beaufremont (2)



Une seigneurie entre Barrois, Lorraine et Bourgogne (1190-1415)

La première moitié du XIIIème siècle voit se succéder à la tête de la seigneurie Liébaud II, qui remplace son père Hugues vers 1190, puis son fils Pierre de Beaufremont qui doit lui succéder peu après 1226. De plus en plus, on voit dans les textes Liébaud II être témoin ou garant des comtes de Bar Thiébaut Ier (1190-1214) et Henri II (1214-1239), ce qui indique clairement qu’il est entré dans leur vassalité, bien qu’aucun hommage n’ait été conservé. Ainsi, est-il témoin de la charte d’affranchissement de Saint-Thiébaut-sous-Bourmont par Thiébaut Ier en 1203, ou encore de la paix que le comte de Bar Henri II fait avec le duc de Lorraine Thiébaud Ier en 1214.

Du fils de Liébaud II, Pierre, on sait peu de choses. Il dut lui succéder entre 1226 et 1230, et meurt entre 1241 et 1255. C’est sa veuve Agnès de Vergy qui dirige ensuite la seigneurie, en attendant que l’aîné Liébaud III ait atteint l’âge d’en prendre possession. Durant cette période de « régence », Agnès, issue d’une grande famille d’officiers bourguignons (son frère Henri de Vergy est alors sénéchal de Bourgogne) se remarie avec le comte de Ferrette, noble franc-comtois, ce qui témoigne de l’attractivité bourguignonne qui ne va aller qu’en s’affirmant.

Liébaud III est justement celui des seigneurs de Beaufremont qui travaille le plus à la prise d’influence de la maison entre Barrois, Lorraine et Bourgogne. En 1263, il fait foi et hommage au comte de Bar Thiébaut II (1239-1291) et devient un des plus fidèles vassaux du comte puis de son fils Henri III (1291-1302) : il est notamment garant de Thiébaut lors de la signature du fameux traité de Bruges de 1301 entre Henri III et le roi de France Philippe IV le Bel créant le Barrois mouvant. Parallèlement, Liébaud III entretient des relations de confiance avec d’autres princes : le comte Henri de Vaudémont le nomme ainsi procureur général de tout son comté avec les pleins pouvoirs durant son voyage en Italie entre 1282 et 1284. Il est également présent en Bourgogne, notamment en Comté où il a reçu de sa mère plusieurs domaines : en 1298, le comte de Bourgogne lui confie l’office de maréchal de Bourgogne. Enfin, Liébaud III achève sa carrière auprès du roi de France Philippe le Bel, il trouve d’ailleurs la mort en 1302 à Arras lors du conflit opposant le roi aux villes flamandes. La présence à la tête de la seigneurie de Liébaud III constitue une sorte d’apogée, ses successeurs ne parvenant pas à maintenir un tel rayon d’action et une aussi grande proximité avec les princes.

Gauthier, fils aîné de Liébaud, lui succède comme seigneur de Beaufremont en 1302. Son frère cadet Huard reçoit la terre de Ruppes (apportée par Adeline d’Epinal lors de son mariage avec Liébaud III, cf. son sceau et contre-sceau ci-dessus) et constitue une nouvelle branche cadette des Beaufremont après celles de Bulgnéville et de Removille au XIIIème siècle. La seigneurie de Beaufremont est alors composée de deux ensembles distincts : les domaines vosgiens autour de Beaufremont, constituant le berceau familial, tenus en fief du comte de Bar, et des possessions dans le comté de Bourgogne, auxquelles s’ajoutent des rentes royales à prendre aux foires de Troyes et de Bar-sur-Aube (on retrouve la trilogie comte de Bar, comte de Bourgogne, roi de France).

Comme à la génération précédente, Gauthier laisse deux fils. Le cadet Huard reçoit les terres bourguignonnes et constitue la branche cadette des seigneurs de Scey-sur-Saône, tandis que l’aîné Liébaud IV conserve les domaines vosgiens. Il dirige la seigneurie des années 1340 aux environs de 1375. Lui succède Philibert jusqu’en 1416. Avec lui s’achève trois siècles de continuité masculine ininterrompue, de 1115 à 1416. S’ouvre alors une période marquée par des problèmes successoraux et l’arrivée de seigneurs extérieurs à la seigneurie.

mercredi 5 novembre 2008

Histoire des seigneurs de Beaufremont (1)



Les premiers seigneurs au XIIème siècle (1115-1190)

Je vous propose une brève présentation historique des seigneurs de Beaufremont des origines à la fin du XVIème siècle, divisée en trois périodes. Cette première partie est consacrée à la naissance de la seigneurie au XIIème siècle.

Contrairement à ce que laissent penser une légende tenace, qui fait remonter le lignage de Beaufremont à l’époque mérovingienne, et une série de faux diplômes impériaux réalisés au XVIIIème siècle présageant de l’existence du château de Beaufremont vers l’an Mil, la naissance de la seigneurie de Beaufremont s’inscrit dans un mouvement général à toute la Lorraine : celui de l’émergence des seigneuries châtelaines aux XIème-XIIème siècles.

En effet, la première mention de Beaufremont relevée dans les archives remonte à 1115. A cette date, l’évêque de Toul Ricuin (1107-1126) règle un différend opposant l’abbaye de Saint-Mihiel à un chevalier nommé Liébaud. Ce dernier a usurpé des terres appartenant à l’abbaye qui étaient limitrophes de Beaufremont (« Berfredimontis confinio adjacentem ») et contigües aux siennes. Cela signifie que ce Liébaud était possessionné à Beaufremont ; l’usage du prénom Liébaud à trois autres reprises chez les seigneurs de Beaufremont atteste qu’il s’agit très certainement là du fondateur du lignage seigneurial de Beaufremont.

Ce chevalier pourrait très bien avoir été commis à la garde d’une des nombreuses forteresses qui constituent ce qu’il est convenu d’appeler le « verrou de Neufchâteau ». En effet, la région du Bassigny où se situe Beaufremont revêt dès le XIème siècle une importance stratégique particulière du fait de la proximité de la haute vallée de la Meuse qui matérialise la frontière entre les principautés lorraines (comté de Bar et duché de Lorraine) et le comté de Champagne. Chacune de ces puissances marque son territoire en érigeant des points fortifiés qu’elle fait garder par des chevaliers ou remet à des vassaux (Neufchâteau, Châtenois, Bourmont, Rorthey, ...). Quant à savoir qui était ce Liébaud, on ne le saura sans doute jamais, mais on peut émettre l’hypothèse qu’il s’agisse d’un cadet d’un lignage noble qui émerge alors dans la région.


D’autant que la charte de 1115 est le seul texte connu portant mention de Liébaud Ier de Beaufremont . Par contre, sa descendance est beaucoup mieux renseignée, notamment son fils Hugues qui est repéré dans une vingtaine d’actes entre 1144 et 1190. Il s’agit essentiellement de chartes dans lesquelles Hugues est présent comme témoin, émanant des évêques de Toul Henri de Lorraine (1126-1165) et Pierre de Brixey (1168-1191), de l’évêque de Langres Gauthier de Bourgogne (1163-1179), du duc de Lorraine Simon II (1176-1205) et du comte de Bar Henri Ier (1170-1190). La plupart de ces actes concernent des donations aux grands établissements ecclésiastiques de la région (abbayes de Chaumousey, de Morimond, de l’Etanche, de La Crête et de Mureau, prieuré de Châtenois), certaines de ces donations émanant d’Hugues lui-même ou de ses frères et sœurs. On a là une idée du réseau qu’est alors en train d’intégrer Hugues (pour la première fois appelé seigneur de Beaufremont en 1180), celui des grands seigneurs laïcs et ecclésiastiques du Bassigny champenois et lorrain.

mercredi 29 octobre 2008

Châteaux et villes fortes du Comté de Vaudémont en Lorraine médiévale

Notons la publication récente par Gérard Giuliato, professeur à l'université Nancy 2, de cet ouvrage consacré aux fortifications du comté de Vaudémont (Bainville-aux-Miroirs, Chaligny, Châtel-sur-Moselle, Deuilly, Messein, Pont-Saint-Vincent, Vaudémont et Vézelise), accompagné d'un CD rom. Je joins ici le résumé de l'éditeur :

" Depuis les travaux de Michel François consacrés à l'histoire des comtes de Vaudémont, il restait à donner une base matérielle à cette principauté. C'est chose faite avec l'ouvrage de Gérard Giuliato à travers lequel on voit se constituer le comté au détriment de deux pagi carolingiens, le Saintois et le Chaumontois. L'auteur propose une lecture attentive des constructions fortifiées au premier rang desquelles se détachent l'énigmatique tour Brunehaut — le plus ancien donjon de Lorraine — et Châtel-sur-Moselle, exceptionnel ensemble du milieu du 15e siècle, adapté à l'artillerie à poudre. Il nous révèle aussi d'autres sites comme Bainville-aux-Miroirs, Chaligny, Deuilly, Messein, Pont-Saint-Vincent et Vézelise généralement oubliés car moins bien conservés.


Accompagné de nombreuses cartes, de plans, de relevés d'architecture et d'un cédérom qui invite à une visite virtuelle des sites dans leurs moindres détails, l'ouvrage permet de comprendre l'évolution de l'architecture défensive lorraine durant cinq siècles. Cette étude fondée sur le croisement des sources écrites et des sources archéologiques montre comment un réseau de fortification peut constituer un bon reflet du pouvoir d'un prince au Moyen Âge. Les comtes de Vaudémont surent conserver la plénitude de leur droit de défense en bâtissant les châteaux et enceintes urbaines nécessaires à assurer la sécurité de leurs terres et de leurs sujets et en gardèrent un contrôle jaloux. Contrairement à d'autres princes, ils n'aliénèrent aucune de leurs possessions et empêchèrent la prolifération de maisons fortes et de toute fortification tenue par des vassaux.


Ce patrimoine joua un rôle important dans l'histoire militaire de la région à la fin du Moyen Âge. En 1346, il entra dans les possessions des sires de Joinville avant d'être divisé en 1380. Châtel, Bainville et Chaligny constituèrent une nouvelle entité qui passa par mariage aux sires de Neufchâtel (Franche-Comté). Unis, les deux lignages affrontèrent René Ier entre 1430 et 1441 avant de s'opposer en 1475-1477. Il fallut attendre 1543 pour que le domaine ancestral soit rassemblé par le duc Antoine, avec l'accord du roi de France et de l'empereur. "


Possibilité de commander l'ouvrage en ligne, au prix de 30 € (plus les frais de port) sur le site du Comptoir des Presses d'Universités, en cliquant sur le lien suivant :



dimanche 19 octobre 2008

L'Eglise, les princes et le bon vin dans la Bourgogne médiévale

La lecture récente du petit mais passionnant ouvrage de Jean-Robert Pitte sur les vignobles bordelais et bourguignons (Bordeaux Bourgogne. Les passions rivales, 2005) est l’occasion de parler des liens que les grands seigneurs bourguignons entretenaient avec le vignoble de Bourgogne. En particulier Pierre de Beaufremont, seigneur de Charny et de Molinot, était seigneur de Ladoix-Serrigny, au cœur des grands vignobles du nord immédiat de Beaune (Pernand-Vergelesses, Aloxe-Corton, ...).

Il possède sur le coteau du Bois de Corton des clos, c’est-à-dire des vignes protégées par des murs. Ces derniers ont un triple avantage : se débarrasser des grosses pierres qui abondent sur le versant, protéger les plantations des divagations du bétail, et affirmer la propriété seigneurial de la vigne. Ce n’est pas inutile comme le prouve le différend qui oppose Pierre de Beaufremont à son noble voisin Guillaume de Sercy, seigneur d’Igornay et d’Aloxe-Corton, également bailli de Chalon : de 1452 à 1462, Pierre est en procès au sujet d’une de ses vignes que le seigneur de Sercy a vendangé « par erreur ». De ce procès a été conservé un volumineux registre (plus de 300 pages, collection particulière) qui reprend toutes les dépositions des témoins appelés à régler ce différend sous l’autorité du duc de Bourgogne Philippe le Bon. La transcription de ce registre apporte une foule de détail sur la gestion des vignes et témoigne déjà de l’importance que revêt le vin de Bourgogne.

Ce document est aussi une belle illustration de l’histoire du vignoble bourguignon, comme le montre cet extrait qui définit les limites du finage de Ladoix-Serrigny :


« (...) lesdits finaiges et territoires dudit Sarrigny et de Ladoix sont grans et bien spacieulx, et se extendent et durent du cousté devers Alosse jusques à ung ancien chemin commun qui se prent et commence on [...détruit...] chemin en tirant de Notre Dame du Chemin à Beaune tirant tout au long de la vigne de messire Hugues d’Arguel appellée la Bruere. Et dans le bout dudit ancien chemin en tirant contre le bois de Courton par une roye passant par le bout de la vigne Jehan Alyot appellé le Chaillot à Larmereaul, et dans le bout de ladite roye en tirant contre le bout de Courton par le bout de la vigne Huguenin Callet qu’il tient de Cisteaulx. Et dès là en tirant par le bout de la vigne Jehan Berthelemy du Fenye, et aussi pardessoubz la vigne dudit messire Hugues d’Arguel, et dans là par le bout de la vigne du chapitre d’Ostun tirant par le bout de la vigne de Guillaume de Savoye. Et dès là par le bout de la vigne de Richart Melenart, et dans là par le bout de la vigne qui fut à la femme hoirs de feu Guillaume Monot. Et dès là par le bout de la vigne de Jehan Symon qu’il tient de ceulx du Temple. Et dès là par dessoubz la vigne de chapittre d’Ostun et passant parmy la vigne Henriot Larderiet, et dès là par une roye estant au long de la vigne par Lombart d’Ostun, et dans là en traversant la rue commune en tirant par une roye au long de la vigne Richart Juifz tirant par le travers du Cloux de la Perriere appartenant es religieux de Cisteaulx passant au travers de la vigne Dieu tirant à une roye au long de la vigne qui fut à Hugues Monot qu’il tient de par Symon Arbeleste, jusques au bois de Corton, lesdites vignes estant et comprinses dedans et desdites finaiges et territoires dudit Sarrigny et de Ladoix (...). »

On sait en effet que c’est l’Eglise, notamment l’évêque de Langres, qui a maintenu en Bourgogne la viticulture de tradition romaine durant tout le haut-Moyen Age. Puis viennent les abbayes, d’abord Cluny (910), et surtout Citeaux qui est fondée en 1098 : on doit à cette abbaye l’installation du mondialement célèbre Clos de Vougeot, sur des terres données par la famille de Vergy vers 1110 (la mère de Pierre de Beaufremont est Jeanne de Vergy, il lui doit sa seigneurie de Ladoix-Serrigny). On voit dans l’extrait que les Cisterciens possèdent au moins deux clos à Ladoix-Serrigny, mais qu’on y trouve également deux autres très grands propriétaires ecclésiastiques de vignes au Moyen Age : le chapitre cathédral d’Autun et les Templiers. On a donc un foncier aux mains de grands propriétaires ecclésiastiques (chapitres cathédraux et abbayes) et laïcs (nobles de la cour du duc de Bourgogne), dont fait partie Pierre de Beaufremont.

dimanche 28 septembre 2008

La tuilerie de Beaufremont

Le château à Beaufremont est installé sur une terrasse placée en rebord de plateau à l’extrémité sud d’une butte-témoin se détachant de la côte de Moselle. Cette situation peut paraître étonnante à première vue car le château se trouve dominé par la butte et donc facilement attaquable par le nord. En fait, cette situation a permis aux constructeurs tout à la fois d’affirmer leur prééminence sur leurs terres s’étendant au pied de la butte, de contrôler cet espace de passage, mais surtout (ce qui est fondamental) de se procurer facilement de l’eau et les matériaux nécessaires à sa construction (calcaire et argile).

Les questions relatives à l’eau, au travers des puits-citernes du château, et aux pierres ayant servi à sa construction seront traitées dans de futurs messages. Intéressons nous à la céramique de construction et plus particulièrement à la tuilerie de Beaufremont. De manière simple, le château de Beaufremont est installé sur des calcaires. En dessous, dans le fond de vallée, on trouve les couches argilo-marneuses où au Moyen Age on s’étendait un étang à usage de pisciculture. Comme on peut le voir sur l’extrait de la carte des Naudin de la première moitié du XVIIIème siècle (© Service historique de la Défense, J10 C650 f° 9, ci-dessus), au-delà de cet étang se trouvait une tuilerie qui fonctionnait avec l'argile disponible sur place. On ne sait à quelle date remonte sa construction, mais on est sûr qu’elle fonctionne au XVIème siècle. En effet, un compte de la seigneurie de Beaufremont pour l’année 1562-1563 fait mention de travaux importants au château et notamment de la réfection de la toiture des greniers ; il est alors question d’au moins 37000 tuiles fournies au château, avec précision du type : tuiles plates, tuiles creuses (canal), tuiles faîtières et arêtiers. Certaines de ces tuiles étaient vernissées comme en témoignent des tessons ramassés lors de prospections en surface sur le site du château.


Il paraît très probable que la tuilerie de Beaufremont ait fonctionné bien avant le XVIème siècle, et qu’elle ait fourni la céramique de construction nécessaire au château durant tout le Moyen Age. Aujourd’hui, l’étang a disparu et la tuilerie est en ruine (photo ci-dessus).

mardi 2 septembre 2008

Journées européennes du patrimoine

Comme chaque année, le troisième week-end de septembre est l'occasion de découvrir, ou redécouvrir, quelques-uns des monuments méconnus de notre patrimoine. Le château de Beaufremont ouvrira donc ses portes aux visiteurs curieux les samedi 20 et dimanche 21 septembre ; ils y découvriront un bel exemple d'architecture ostentatoire des XVème et XVIème siècles au travers des pont-levis, logis seigneurial et remparts imposants qu'il conserve encore aujourd'hui.
Une place particulière sera également faite à la chapelle Saint-Joseph, ancien colombier du château, restaurée et inaugurée au début de l'été : elle est intégrée dans un circuit de visites d'églises et de chapelles que l'Office de tourisme du Pays de Neufchâteau propose le dimanche 21 septembre (pour tous renseignements, contacter l'office du tourisme au 03.29.94.10.95).

dimanche 24 août 2008

Chantier d'archéologie du bâti

Le troisième stage d'archéologie du bâti que j'organise au château de Beaufremont s'est achevé vendredi dernier. Il a permis de compléter et achever les travaux de relevés archéologiques entrepris en août 2006 sur le pont-levis occidental et l'année suivante dans le niveau de cave de la Tour d'ardoises. Un grand merci encore à Mathilde, Carole, Anne, Laetitia, Charline, Bastien et Cédric pour leur enthousiasme et leur aide précieuse durant cette semaine.



De plus, le relevé des vestiges des arches supportant l'accès au pont-levis de la basse-cour a été réalisé afin de déterminer son architecture originelle avant ses multiples remontages et transformations ; l'objectif étant pour M. et Mme de Bauffremont, propriétaires actuels du site où vécurent leurs ancêtres, de remonter cette arche enjambant le fossé sud, à proximité immédiate du colombier-chapelle, qui a été récemment restauré, et inauguré le 29 juin dernier.


Rendez-vous en août 2009 pour le prochain chantier d'archéologie du bâti.

jeudi 10 juillet 2008

L'Ordre de la Toison d'or

C’est durant le mois de janvier 1430, au cours des festivités qui accompagnèrent son mariage à Bruges avec Isabelle du Portugal, que le duc de Bourgogne Philippe le Bon (1419-1467, ci-contre) fonda l’ordre de la Toison d’or. Cette fondation revêtait pour le duc Philippe un double objectif, religieux et politique.

Acte religieux, car le duc se présentait ainsi comme un véritable défenseur de la foi chrétienne. L’ordre était en effet organisé à la manière d’une confrérie, avec un effectif originel de vingt-quatre chevaliers (nombre sacré dans la tradition chrétienne, mais l’effectif passa à trente et un dès 1431) qui tenaient un chapitre annuel, fixé jusqu’en 1445 le jour de la fête de saint André. Le siège de cet ordre était par ailleurs un sanctuaire, en l’occurrence la Sainte-Chapelle du palais ducal de Dijon.

Acte politique, car le duc Philippe agit de manière souveraine en fondant cet ordre, à une époque où les tensions liées aux évènements de la guerre de Cent Ans étaient fortes. Il s’agissait pour lui d’affirmer son indépendance politique face aux rois d’Angleterre et de France : on sait par exemple que le duc refusa d’entrer dans l’ordre anglais de la Jarretière (qui servit de modèle à la Toison d’Or) car cela signifiait pour lui être soumis au roi d’Angleterre.

Plus concrètement, fonder cet ordre permettait à Philippe le Bon de resserrer les liens avec les représentants de l’aristocratie nobiliaire qui jouaient le plus grand rôle dans les institutions politiques et militaires des principautés bourguignonnes. L’origine géographique des vingt-quatre premiers chevaliers en est une belle illustration :

- duché et comté de Bourgogne (8 chevaliers) : Guillaume de Vienne, Régnier Pot, Jean de Neufchâtel, Antoine de Vergy, Antoine de Toulongeon, Jean de la Trémoille, Philippe de Ternant, Pierre de Beaufremont (ci-dessus).
- comté de Flandres (7 chevaliers) : Baudouin, Hugues et Ghillebert de Lannoy, Roland d’Uutkerke, Jean de Comines, Robert de Masmines.
- Picardie et Artois (8 chevaliers) : Pierre et Jean de Luxembourg, David, Florimond et Jacques de Brimeu, Antoine et Jean de Croy, Jean de Créquy.
- Jean de Villiers, seigneur de L’Isle-Adam, était étranger aux principautés bourguignonnes, mais il s’était révélé un des plus actifs chefs de guerre au service du duc.

Cette volonté de réunir l’élite de la noblesse bourguignonne se doubla petit à petit d’un souci diplomatique : le duc Philippe fit coopter comme chevaliers de la Toison d’or des princes et seigneurs étrangers afin de renforcer ses alliances : le duc de Bretagne, le duc d’Alençon, le roi d’Aragon, ...

mardi 1 juillet 2008

Le château de Beaufremont en cartes postales

Voici quelques unes des cartes postales présentant le château de Beaufremont au début du siècle dernier. J'adresse ici un grand merci à Mme Thuus, qui m'a gentiment fourni des scans de sa collection dont est extrait un certain nombre des cartes reproduites dans ce post.

la cour d'honneur avec le logis seigneurial



le pont-levis occidental, vu depuis le fossé



deux vues de l'entrée sud par la basse-cour, avec dans le fond le logis seigneurial sur la haute-cour

plusieurs vues du front est de la basse-cour, où les remparts sont les mieux conservés avec tours semi-circulaires et hautes courtines

mardi 10 juin 2008

Le pont-levis du château

L’accès au château se faisait au nord-ouest du site par un pont-levis enjambant un fossé large et profond. Il s’agissait en fait d’un système mixte composé d’un double franchissement :
- une partie fixe constituée d’un pont dormant reposant sur une plate-forme côté extérieur et une pile centrale côté château,
- une partie mobile coté château consistant en un pont-levis qui vient reposer sur la pile centrale et dont l’axe est ménagé dans un avant-corps.
Ce système était protégé au nord par une grosse tour semi-circulaire, alors qu’au sud, une petite tour d’angle, appelée « tour au puits », ne semble pas avoir d’utilité défensive.
Cet ensemble a fait l’objet d’une étude lors du chantier de l’été 2006. Voici quelques informations sur son fonctionnement

La pile centrale du pont-levis mesure au sol 4,80 m de long sur 1,40 m de large, pour une hauteur maximale conservée de 5,10 m. Elle a fait l’objet dans les années 1980 d’un chantier de restauration qui a consisté en une reprise de maçonnerie de la partie supérieure, sur une hauteur d’environ 1 mètre. Le matériau utilisé pour sa construction n’est pas homogène. On y trouve notamment deux qualités de calcaire : des calcaires ocres et des calcaires blancs qui ont pris une patine gris-bleu. Ces deux types de matériaux ont été extraits localement. Parmi les blocs de calcaires blancs patinés gris-bleu, on observe plusieurs éléments taillés qui semblent attester d’un remploi de ces pierres dans la pile. De plus, on observe également la présence de quelques pierres de pavement et d’éléments de céramique architecturale (briques).


L’avant-corps côté château est composé de deux saillants affectant en plan la forme d’un quart de rond, encadrant un retrait central. Sa hauteur maximale conservée est de 4,50 m, le déroulé complet de la structure atteint 16 m. Cet avant-corps est construit en avant du rempart, dans le fossé ; le saillant sud s’appuie d’ailleurs sur un affleurement calcaire. Les murs conservés, qui correspondent à la base de l’avant-corps, présentent un fruit. Contrairement à la pile centrale du pont-levis, l’ensemble de la construction est homogène, et ne semble pas présenter de traces de reprises, hormis pour le saillant sud qui a fait l’objet d’un remontage contemporain au niveau de son arrondi.

A partir des observations faites durant le chantier, on peut proposer une chronologie simplifiée de la manière dont se faisait l’accès au château :
- 1ère phase : l’accès se fait par un système dont on ne possède pas de trace ; la partie mobile du pont est sans doute constituée par des planches qu’on enlève en cas de siège.
- 2ème phase : on décide d’améliorer la défense de l’accès au château en y installant un pont-levis à flèches. L’option choisie est alors de ménager au devant de l’entrée primitive un avant-corps maçonné accueillant le nouveau système (le pont, actionné par des bras, vient s’encastrer en position haute dans la feuillure de la porte). La distance entre la pile du pont et le retrait central de l’avant corps étant de 3,60 m, on peut estimer que le pont-levis avait une longueur supérieure à 4 mètres ; de même, la disposition de l’avant-corps et de la pile plaide pour un système à entrée double, c’est-à-dire un accès piéton et un accès charretier, avec deux ponts distincts. L’intérêt est d’éviter d’abaisser le pont-levis charretier alors que l’essentiel de la circulation était faite de piétons et de cavaliers isolés.
- 3ème phase : la pile centrale du pont-levis semble avoir été remontée plus tardivement comme semble en témoigner les nombreux éléments en remploi qu’on trouve dans sa maçonnerie. On peut notamment penser que les pierres patinées gris-bleu proviennent d’un même bâtiment, détruit à l’époque où la pile est remontée.

Ce phasage est pour l’instant difficilement datable. Simplement peut-on dire que le pont-levis à flèches apparaît dans le domaine français lors du dernier tiers du XIVème siècle et se diffuse très rapidement, au point de se généraliser en un quart de siècle. Il restera jusqu’à la fin du XVIIIème siècle le principal moyen de protection externe des accès.

mardi 3 juin 2008

La croix de chemin de Beaufremont


J’ai récemment trouvé une nouvelle carte postale, présentant le calvaire de Beaufremont. C’est l’occasion d’évoquer cette croix monumentale, située près de la mairie, à l’angle sud-ouest de la basse-cour du château, au-delà du fossé. Elle a été classée monument historique le 13 août 1906 et fait partie d’un ensemble très riche de croix de chemin situées entre Neufchâteau et Châtenois.

Le monument est composé d’un fût principal de forme octogonale, supportant un décor occupant plus de la moitié de sa hauteur. Ce décor est composé de deux rangs superposés de huit arcatures chacun (une arcature par pan d’octogone), toutes ornées d’un petit pinacle trilobé qui les couronne. Sous chacune de ces arcatures sont présentés des apôtres et d’autres personnages saints.
Le sommet du fût est surmonté d’une crucifixion, avec la Vierge et saint Jean de part et d’autre de la croix. Les bras de la croix sont réunis entre eux par des lobes avec lesquels ils se confondent, et leurs extrémités sont ornées de fleurons. Enfin, au dessus de la crucifixion, dominant le monument, saint Michel, vêtu d’une tunique courte serrée à la ceinture, tient dans sa main droite une épée levée et pose sa main gauche sur la tête de Satan qui est représenté sous la forme d’un être humain. Les figures du Christ en croix, de la Vierge, de saint Jean et de saint Michel se répètent sur l’autre face du calvaire.

Je n’ai pas encore retrouvé d’archives éclairant la construction de ce monument. Seules pour l’instant la tradition locale et la publication datée de l’ouvrage de Charles Fontaine (Recueil d’anciennes croix du diocèse de Saint-Dié, Saint-Dié, 1875) permettent d’esquisser un début d’historique. Si on se réfère à ces sources, le calvaire aurait été érigé par Claude d’Arberg, qui est seigneur de Beaufremont de 1486 à 1518, à la suite d’un vœu fait durant une tempête alors qu’il était en voyage à Rome ; évidemment, je n’ai pour l’instant retrouvé aucune mention de ce voyage à Rome. Néanmoins, une datation de la fin du XVème ou début du XVIème siècle correspond parfaitement à l’étude stylistique.

La question de l’auteur de ce monument reste elle aussi délicate. Certains ont voulu y voir au XIXème siècle le coup de ciseau de Mansuy Gauvain, imagier du duc de Lorraine et auteur de la porterie du Palais Ducal de Nancy. Certes, Mansuy Gauvain était actif à la cour de Lorraine durant la première moitié du XVIème siècle et Claude d’Arberg était en relation avec le duc, mais de la à y voir une œuvre de jeunesse de cet illustre tailleur... Je plaiderais plutôt pour une attribution à un atelier local, ce qui expliquerait la richesse de cette zone en calvaires. Cette hypothèse est corroboré par François Perrot, qui s’est attaché à l’étude de certains de ces calvaires, et qui conclut sur la forte probabilité de l’existence d’un atelier de sculpteurs sur pierre au XVIème siècle dans le Pays de Châtenois, la « petite Bretagne lorraine » (Pays de Châtenois, la ruralité dans la plaine vosgienne, actes des journées d’études vosgiennes 2006, Société d’émulation des Vosges, 2007).

jeudi 22 mai 2008

La bibliothèque du château de Beaufremont, d’après l’inventaire de 1565

On possède pour la connaissance du château de Beaufremont au XVIème siècle un document très précieux. Il s’agit d’un inventaire détaillé de l’ensemble des biens conservés au château (meubles, vaisselle, linge, objets, ...), rédigé en 1565. Cet inventaire a été réalisé au moment des querelles successorales opposant les familles de Madruce et de Tornielle au sujet de l’héritage du comte René de Challant, petit-fils de Claude d’Arberg, qui décède le 14 juillet 1565. On évoquera dans un prochain message l’issue de ce différend, qui aboutit en 1589 au partage en deux lots égaux du château et de la seigneurie de Beaufremont.

Toujours est-il qu’en 1565, à la mort de René de Challant, sa quatrième épouse, Péronne de la Chambre, occupe le château de Beaufremont. Elle observe les agissements de Philiberte et Isabelle, les deux filles que son mari a eu de son second mariage, mariées respectivement à Joseph de Tornielle et à Jean-Frédéric de Madruce, et qui se disputent l’héritage. Elle prend alors la précaution de faire dresser une estimation mobilière complète du château de Beaufremont qu’elle occupe afin de préserver ses droits d’épouse. Cet inventaire est réalisé du 20 au 30 novembre 1565 par trois officiers du duc de Lorraine, qui pièce après pièce, bâtiment après bâtiment, recensent l’ensemble du mobilier du château.

C’est ainsi que dans une pièce du château se trouvait un coffre de sapin qui renfermait les livres d’une bibliothèque qui, d’après les dates d’éditions, pourrait être celle du comte René de Challant. Voici ce que découvrirent les officiers chargés de faire l’inventaire :

« Item, les livres estant en ung couffre de sappin sans fermette et serrure, en la garderobbe sous la caige : et premier, la vie de Jésus-Crist en françoys escript, en un grand vieil livre rompu en partie ; ung aultre couvert de bazayne noire, intitullé Valère le Grand ; le tiers volume de Froyssart ; ung aultre intitullé le Livre des Saints Anges ; item, instruction du faict de la guerre, avec les figures debout, en françoys ; le premier volume de Froyssart ; la Légende des saincts, imprimée en parchemin ; les Annales des Gaules, faictes par le maistre Nicol Giles, imprimés en grand volume ; item, une Institution et preuve par maistre Guillaume Huilier ; l’Office du Saint Sacrement en ung livre couvert de parchemin ; Compendium historial des polices des empereurs ; ung petit livre intitullé Prologue d’honneur ; item, un livre couvert de parchemin, en italien, faisant mention des festes de l’année ; ung petit livre doré intitullé le Collège de Sapience fondé en l’université de vertu ; la Vie des Sainctz, en parchemin ; ung aultre livre intitullé Le premier livre des patauviens ; des tables de papier en personnaiges dédiées à feu l’empereur Charles ; ung aultre en roleau de papier contenant la généalogie et destente de la maison d’Austriche ; item, plusieurs vieilles lettres missives empacquetées en ung vieil drappeau. »

Il n’est pas forcément évident d’identifier l’ensemble des volumes qui composent cette bibliothèque, soit parce que leur titre est absent, ou bien parce que les descriptions ne sont pas suffisamment précises. On peut toutefois reconnaître dans cet inventaire :
- Valère le Grant, translaté du latin en françois, Lyon, Mathieu Husz, 1489, 2 tomes en un volume in-f° goth. de 152 et 152 f., ou Paris, Anthoine Vérard, 1500, in-f° de 179 et 172 f.
- Froissart (Jehan), Le premier volume des Croniques de France, Dangleterre, Descoce, Despaigne, de Bretaigne, de Gascongne, de Flandres et lieux circunvoisins, Paris, Anthoine Vérard, s.d., 2ème éd. ; Paris, Michel le Noir, 1505, 3ème éd. ; Paris, Anthoine Vérard, 1518, 4ème éd. ; Paris, Anthoine Couteau, 1530. Les 4 volumes des Chroniques forment 4 tomes de 213, 279, 172 et 80 f. (éd. de 1530).
- Ximenez, Le livre des Sains Anges, Genève, 1478, in-f° goth. de 189 f. (c’est le 1er livre imprimé à Genève) ; Lyon, Guillaume le Roy, 1486 ; Paris, Michel le Noir, 1505.
- Vallo, Du faict de la guerre et art militaire, tractant de l’office des capitaines et soldats, de assaulx et défenses … vaisseaulx … ponts … certes formes de secretes intelligences et signes et diverses conditions de singuliers combats, Lyon, Jacques Moderne, 1554, in-8° de 88 f.
- Légende des Saincts nouveaulx, Lyon, Barthélemy Buyer, 1477, petit in-f° goth. de 126 f.
- Nicole (Gilles), Les très élégantes, très véridiques et copieuses annales des très preux, très nobles, très chrestiens et très excellens modérateurs des belliqueuses Gaules, Paris, Anthoine Cousteau pour Galliot du Pré, 1525, 2 tomes en un volume in-f° goth. de 6-CLVIII et 4-CXLIIII f. (autres éd. En 1527, 1532, 1536, 1541, 1547).
- Compendium historial des polices des empires, royaumes et chose publique, nouvellement translaté du latin en françois, Paris, Nicolas Cousteau pour François Regnault et Galiot du Pré, 1528, in-f° goth. de 190 f.
- Doré (Pierre), Le Collège de Sapience fondé en l’Université de Vertu auquel s’est redue escolière Magdelaine, disciple et apostole de Jésus, Paris, Ant. Bonnemere, 1539, petit in-8° de 3-CLXVIII-7 f. ; Paris, Ruelle, 1555, in-16.
- Jacques de Voragine, La vie des Saincts en françois, imprimée à Paris, Paris, Anthoine Vérard, 1490, in-f° de 3-296 f. (c’est la seule édition portant ce titre).
- Scardeoni (Bern.), de Antiquitate Urbis Patavii et claris civibus Patavinis liber I, Bâle, 1560, in-f° (Histoire de Padoue formant 3 tomes en un volume).


Bibliographie : Cet inventaire, redécouvert dans les archives du château de Châtillon, en Vallée d’Aoste, a été publié intégralement par le Duc de Bauffremont, Inventaire du château et du fief de Bauffremont en 1566, Paris, Auguste Picard, 1928.

jeudi 15 mai 2008

La céramique de poêle du château de Beaufremont

Le château de Beaufremont, comme bon nombre de résidences nobles de Lorraine, a livré – et continue de livrer en dehors de tout contexte de fouille archéologique - une quantité non négligeable de mobilier céramique, la plupart du temps très fragmentaire. C’est ainsi qu’a été retrouvée lors d’un ramassage de surface dans les ruines du château une vingtaine de fragments de carreaux de poêle, plus ou moins bien conservés. Le contexte de cette trouvaille est inconnu et ne peut malheureusement être rattaché à aucune stratigraphie.
On distingue nettement deux séries, étudiées par Guillaume Huot-Marchand dans sa thèse de doctorat (voir bibliographie en bas de ce message) : une première, datable de la seconde moitié du XVe siècle ou du début du XVIe siècle, est composée de carreaux qui s’apparentent à des types courants en Lorraine à cette époque. Par contre, la seconde série s’avère beaucoup plus intéressante car elle regroupe une douzaine de carreaux recouverts d’émail stannifère blanc et bleu (voir photo) : la glaçure blanche est obtenue par un mélange d’oxyde de plomb et d’oxyde d’étain (donnant ce que l’on appelle communément la faïence), et le bleu par ajout d’oxyde de cobalt.

Toujours d’après G. Huot-Marchand, si une telle technique se rencontre déjà sur des tuiles et des carreaux de pavement dès le XIVe siècle en Bourgogne et dans les provinces du Nord, ces carreaux pourraient être les plus vieilles céramiques de poêle revêtues d’émail stannifère dans la région, car attribuable à la toute fin du XVe ou à la première moitié du siècle suivant. Des carreaux similaires, datables de la seconde moitié du XVe siècle, ont été retrouvé à Berne, en Suisse ; et un compte du Palais Ducal de Nancy de 1548-1549 fait mention de carreaux de pavement « amailliez de blanc, d’azure ».

Or, l’histoire du château nous apprend qu’il fut, de 1486 à 1518, la possession de Claude d’Arberg, issu de la famille des comtes d’Arberg, seigneurs de Valangin, originaire des environs de Neuchâtel, en Suisse. C’est certainement lui qui fit construire le nouveau logis seigneurial, beaucoup plus confortable que les anciens bâtiments, encore en élévation aujourd’hui. Un inventaire de 1565 nous informe que dans ce logis, la salle seigneuriale située au-dessus des cuisines était appelée le « grand poêle » car elle proposait justement ce système de chauffage.
On peut donc avancer l’hypothèse que la technique de l’émail stannifère ait pu être apportée de Suisse en Lorraine par Claude d’Arberg, d’abord à Beaufremont, puis qu’elle se soit ensuite diffusée dans la région et notamment à la cour ducale de Lorraine.

Bibliographie : Guillaume HUOT-MARCHAND, La céramique de poêle en Lorraine au Moyen Age et au début de l’époque moderne, 2006, Gérard Louis (contient les dessins et hypothèse de restitution du poêle de Beaufremont).

mercredi 7 mai 2008

Chantier d'étude du bâti au château de Beaufremont

Voici le compte-rendu succinct que j'ai publié dans les Annales de la Société d'Emulation des Vosges (2008), du second chantier d'étude du bâti du château de Beaufremont. Il s'est déroulé l'été dernier avec le soutien du GERAV (Groupe d'Etudes et de Recherches Archéologiques des Vosges), du LAMEST (Laboratoire d'Archéologie Médiévale de l'Est de la France) de l'université Nancy 2, et du Conseil Général des Vosges :

"Du 20 au 24 août 2007 s’est déroulé le second chantier d’étude du bâti du château de Beaufremont. Initialement prévu pour achever les travaux débutés durant la session 2006 sur le pont-levis occidental, les conditions météorologiques difficiles ont obligé les participants à se replier à l’abri, dans le niveau de cave d’une des tours du front nord du château, la tour d’Ardoises. Cette tour, ainsi dénommée en raison du matériau utilisé pour sa couverture, a été détruite en 1824 et il n’en reste aujourd’hui que le niveau bas. Cependant, on sait par plusieurs textes du XVIème siècle qu’elle comptait au dessus de celui-ci quatre étages, le dernier étant à usage de prison. La circulation verticale se faisait par le moyen d’un escalier à vis, qui débouchait au sommet sur une lanterne servant au guet. Extérieurement, elle présentait un plan en fer à cheval saillant de sept mètres sur la courtine et montait depuis le fond du fossé.

Le chantier d’étude a porté sur les élévations de la cave de la tour et du couloir d’accès à celle-ci depuis une autre cave située sous le Vieux Logis. Cette cave présente un plan carré de cinq mètres de côté aux angles abattus vers le nord. Elle est voûtée en berceau et offre un beau volume avec une hauteur de 3,50 mètres. Le mur nord est percé d’une grande fenêtre, aujourd’hui murée, dont l’embrasure cintrée pourrait rappeler le XIIIème siècle. Côté est, un corridor voûté de 2,50 mètres de long mène à une poterne permettant d’accéder au fossé. Quant au mur sud, il présente un large arc de décharge contemporain du reste de la maçonnerie (photo). A droite de ce dernier arrive le couloir d’accès à la cave.

Ce couloir d’accès de cinq mètres de long provient de la cave située sous le Vieux Logis. Il a été percé dans l’épaisseur de la muraille et est voûté d’un berceau brisé. Chacune de ses extrémités était fermée par une porte dont on a conservé les traces de gonds sur les murs. De chaque côté, le linteau est constitué par un monolithe triangulaire soutenu par deux impostes qui ont les caractéristiques de types existant à la fin du XIIIème et au début du XIVème siècle (photo). Côté tour d’Ardoises, un dégagement a été aménagé dans le couloir pour permettre à la porte de s’ouvrir sans gêner la circulation. Cette porte était fermée à l’aide de deux poutres en bois qui coulissaient chacune dans un trou pratiqué dans l’épaisseur du mur.

Parallèlement à ces relevés pierre à pierre des élévations, la prospection des anciennes carrières exploitées à proximité du château a permis d’identifier avec précision la nature des pierres utilisées pour la construction. On distingue nettement deux faciès. L’essentiel des murs et des voûtes sont maçonnés avec des calcaires à entroques de couleur ocre ; il s’agit d’une pierre vulgaire, peu esthétique et au débit mauvais, dont l’intérêt réside dans sa très grande résistance à l’écrasement. Quant aux encadrements de porte et aux impostes, ils ont été réalisés à l’aide de calcaires à polypiers blancs : il s’agit d’une pierre très esthétique, avec un très bon débit et une meilleure sédimentation, donc particulièrement bien adaptée à la taille. Ces deux qualités de pierre étaient présentes en abondance sur le site du château de Beaufremont, installé sur les calcaires du Bajocien de la côte de Moselle."
Un troisième chantier aura lieu du 18 au 22 août 2008, afin de compléter les travaux de relevé entrepris en 2006 et 2007, et notamment achever l'étude du pont-levis occidental et de la Tour d'Ardoises.

dimanche 4 mai 2008

Les branches cadettes de Beaufremont

Afin de ne pas se perdre entre les différentes branches cadettes issues de la tige principale de Beaufremont, en voici une rapide synthèse pour la période médiévale.


La première mention rencontrée dans un texte d’archive attestant de l’installation d’une famille seigneuriale à Beaufremont remonte à 1115. C’est à partir de cette tige principale, qui connaît une continuité masculine ininterrompue jusqu’au début du XVème siècle, que se constituent des branches cadettes, d’abord en Lorraine, puis en Bourgogne, sur les terres apportées lors des alliances matrimoniales contractées par les seigneurs de Beaufremont.

- Les branches lorraines
Les deux premières branches sont constituées par les fils cadets de Liébaud II de Beaufremont dans la première moitié du XIIIème siècle : Huard reçoit la terre de Bulgnéville et inaugure le lignage des seigneurs de ce lieu, qui perdurera jusqu’en 1440 ; quant à la branche des seigneurs de Removille, elle serait fondée par un certain Jean qui pourrait être le fils de Liébaud II (hypothèse à confirmer). Enfin, la troisième branche cadette possessionnée en Lorraine est celle de Ruppes, fondée en 1302 par Huard, fils cadet de Liébaud III de Beaufremont. Cette branche reprendra en main la terre de Beaufremont après le désastre militaire d’Azincourt (1415) et l’extinction de la continuité masculine des seigneurs de Beaufremont.

- Les branches bourguignonnes :
L’installation en Bourgogne s’opère au XIVème siècle avec Huard, fils de Gauthier seigneur de Beaufremont, qui hérite de la terre de Scey-sur-Saône apportée par sa mère Marguerite de Choiseul. C’est à partir de cette tige de Scey-sur-Saône que se constituent sur un siècle, entre le milieu du XIVème et le milieu du XVème siècle, quatre branches cadettes : chronologiquement s’implantent les branches de Fontoy et Ville, de Mirebeau, de Charny et enfin de Sombernon (cette dernière reprendra la tige principale de Scey-sur-Saône). D’autre part, la branche lorraine de Ruppes connaît l’implantation d’un cadet en Franche-Comté qui donne naissance à la branche des seigneurs de Soye, Vauvillers et Sennecey au milieu du XIVème siècle.

On a là un aperçu de la manière dont la famille constitue un réseau autour de deux tiges principales (celles de Beaufremont et de Scey-sur-Saône) et quadrille ainsi les territoires vosgien et bourguignon. Il ne faudrait cependant pas croire que toutes ces branches entretiennent des rapports fréquents entre elles.

jeudi 1 mai 2008

La chapelle Saint-Joseph restaurée

Dans quelques semaines sera inaugurée à Beaufremont la chapelle Saint-Joseph entièrement restaurée. Voici brièvement l’histoire de sa construction et de sa rénovation.

Avant d’être une chapelle, ce bâtiment fut un colombier. Sa construction remonte aux premières années du XVIIème siècle, après le partage du château et de la seigneurie de Beaufremont en deux parties en 1589. Le château ne comprenant alors qu’un seul colombier, le traité autorise un des co-seigneurs à en construire un second à l’angle sud-est du château, au-delà du fossé de la basse-cour. Il se présente sous la forme d’une tour circulaire à toiture conique, de huit mètres de diamètre, avec un mur épais d’un mètre. Malgré la transformation postérieure en chapelle, il a conservé aux deux-tiers de sa hauteur une randière, nom donné à la corniche destinée à empêcher les prédateurs de pénétrer dans le colombier.

A la Révolution française, le colombier, comme tout le reste du château, est saisi comme bien national. Il est plus tard racheté par l’abbé Mourot, curé du village, qui le transforme en chapelle dédiée à saint Joseph en 1870. A la mort de l’abbé, ses héritiers revendent la chapelle au duc et prince de Beaufremont, venu racheter en 1860 les vestiges du château, berceau de sa famille.

La transformation du colombier en chapelle n’a pas forcément été une initiative heureuse. Le percement des grandes fenêtres trilobées et le creusement des niches de part et d’autre de l’autel ont fragilisé sa structure, entraînant l’apparition de grandes fissures. De même, la mise en place d’un clocheton au sommet de l’édifice a occasionné des dommages à la charpente et à la toiture. Finalement, pratiquement abandonnée par le culte, la chapelle est dévastée par la tempête de 1999, et pillée à plusieurs reprises. Les vitraux qui la décorent sont la cible de jets de pierre.

Devant l’état de péril du bâtiment, l’Association des Amis du Château et du Site de Beaufremont projette la restauration et la réhabilitation de la chapelle Saint-Joseph. En collaboration avec l’association Chantiers Services de Neufchâteau, elle met en place en 2006 un chantier de réinsertion sociale comprenant une dizaine de personnes qui travaille à la restauration complète du bâtiment.



mardi 29 avril 2008

Pierre de Beaufremont, seigneur de Charny, au baptême du fils du peintre Van Eyck

Trouvé dans un registre de compte du duc de Bourgogne Philippe le Bon pour l’année 1434 (Archives Départementales du Nord, B 1951, f° 218 v°) :
« A Jehan Pentin, orfevre demourant à Bruges, la somme de quatre-vins seze livres douze solz, du pris de XL gros monnoye de Flandres la livre, qui deue lui estoit pour la vendue et delivrance de six tasses d’argent pesans ensemble XII marcs, du pris de VIII livres I sol le marc, lesquelles mondit seigneur [le duc de Bourgogne] a de lui fait prendre et achecter pour les, de par icellui seigneur, donner et presenter au baptisement de l’enfant Johannes Van Eck, son paintre et varlet de chambre, lequel il a fait tenir sur fons en son nom par le seigneur de Chargny, comme plus à plain peut apparoir par mandement de mondit seigneur sur ce fait et donné en sa ville de Bruxelles le dernier jour de juing XXXIIII, quictance dudit Jehan Pentin et certifficacion dudit seigneur de Chargny. »

Ce paiement à l’orfèvre brugeois Jean Pentin nous apprend que Philippe le Bon, duc de Bourgogne de 1419 à 1467, parrain du fils du peintre Jan Van Eyck, avait offert pour son baptême six tasses d’argent et s’était fait représenter à la cérémonie par son chambellan Pierre de Beaufremont, seigneur de Charny , qui avait porté l’enfant sur les fonts baptismaux. Pierre de Beaufremont, seigneur de Charny, est un fils cadet du seigneur de Scey-sur-Saône, branche cadette de la famille de Beaufremont installée en Bourgogne au début du XIVème siècle. C’est sans doute le représentant de la famille qui eut en son temps la plus grande renommée. A ce titre, Philippe le Bon, instituteur de l’ordre de la Toison d’or, le fit chevalier de cet ordre dès sa fondation le 10 janvier 1430 à Bruges, et lui donnera en mariage sa fille naturelle Marie en 1447.

Ce texte nous permet également d’entrevoir la vie à la cour de Bourgogne au temps de Philippe le Bon. Ses possessions s’étirant du duché de Bourgogne au sud jusqu’à la Hollande au nord, la cour était itinérante. Sans négliger son palais de Dijon et son hôtel d’Artois à Paris, il privilégia ses résidences du nord, en particulier le palais du Coudenberg à Bruxelles, mais aussi l’Hôtel de la Salle à Lille, le palais comtal de Bruges et plusieurs résidences à Gand. Fidèle au mécénat politique, le duc Philippe s’entoura d’artistes, et notamment du peintre Jan Van Eyck qui fut à son service de 1425 jusqu’à sa mort en 1441 en qualité de peintre et de valet de chambre. On lui connaît notamment deux œuvres en lien direct avec la cour ducale : la Vierge au chancelier Rolin, commandée par ce dernier vers 1435 pour la cathédrale d’Autun (Musée du Louvre, ci-dessus), et le Portrait de Baudouin de Lannoy, gouverneur de Lille et chevalier de la Toison d’or, vers 1430 (Gemäldegalerie de Berlin).

lundi 28 avril 2008

Pourquoi ce blog ?

Ce blog se fait l'écho de mes travaux de recherches médiévales sur le lignage seigneurial de Beaufremont - ou Bauffremont si l'on adopte la graphie du nom porté par la famille à l'époque moderne plutôt que celle du village de l'ouest vosgien d'où le lignage est originaire. J'ai entrepris les premières recherches dès 1999 dans le cadre d'un mémoire de maîtrise sur le château de Beaufremont. Cela m'a notamment permis d'entrevoir qu'il y avait là un objet d'étude vaste et encore méconnu. Quelques années plus tard, le CAPES en poche, le goût de la recherche ne s'étant pas éteint, vient l'idée de reprendre ces travaux en les élargissant à l'ensemble des lignages issus des premiers seigneurs de Beaufremont. En Lorraine, mais aussi en Bourgogne où des branches cadettes se sont installées et pour certaines ont acquis une belle notoriété à la cour des ducs de Bourgogne. Depuis 2005, je me suis donc replongé dans les archives et réapproprié les ruines du château de Beaufremont où a maintenant lieu chaque été un chantier d'étude du bâti.

Dans ce blog, j'ai projet de faire partager les trouvailles piochées dans les archives, des commentaires liés à mes lectures, des nouvelles de mes recherches, des informations historiques sur le lignage et des données archéologiques sur le château. Cela se fera pêle-mêle, au fil de l'avancement de mes travaux. Peut-être ces travaux déboucheront-ils un jour sur la rédaction d'une thèse, c'était en tout cas l'objectif initial il y a maintenant quelques années. Qui sait ?

Le titre de ce blog fait référence au seul ouvrage historique publié sur Beaufremont, il y a un siècle et demi : l'Essai historique sur Beaufremont, son château et ses barons, de J.-C. Chapellier. Il est donc utile d'entreprendre un nouveau travail sur l'histoire de cette famille. N'hésitez pas, par vos commentaires, à me communiquer vos informations et remarques afin de permettre l'aboutissement de ce projet.