dimanche 16 novembre 2008

Histoire des seigneurs de Beaufremont (3)



Les problèmes de successions aux XVème et XVIème siècles


En 1415, Jean de Beaufremont, désigné pour succéder à son père Philibert, est mortellement blessé à la bataille d’Azincourt. Le décès de Philibert de Beaufremont l’année suivante attise les convoitises sur sa succession. Par testament, il a désigné comme seul et unique héritier Pierre de Beaufremont, seigneur de Ruppes, qui est à la fois son petit-fils et le descendant de la branche cadette des sires de Ruppes.

C’est d’abord Isabelle, fille de Philibert qui a épousé Richard d’Oiselet, qui conteste le testament dès la mort de son père. Elle pousse ses deux fils Guillaume et Philibert à faire valoir leurs droits, ce qu’ils font en prenant le château de Beaufremont et en faisant prisonnier Pierre
. Celui-ci parvient à se libérer, à reprendre le château en 1435 et à obtenir des d’Oiselet l’arrêt de leurs revendications. Le répit est de courte durée pour Pierre de Ruppes puisqu’en 1445, il est accusé par le duc de Bar et de Lorraine René Ier de faux-monnayage. Le duc prononce la commise de la seigneurie qu’il remet aussitôt à Pierre de Beaufremont, comte de Charny, qui descend de la branche cadette de Scey-sur-Saône. Il s’agit là d’une manœuvre habile de la part du duc qui, étant redevable au duc de Bourgogne d’une rançon de 4000 saluts d’or à la suite de la bataille de Bulgnéville, avait dû engager sa châtellenie de Gondrecourt-le-Château au comte de Charny contre ladite somme ; cette accusation, peut-être infondée, était un moyen simple et peu coûteux de récupérer Gondrecourt en l’échangeant contre une seigneurie qu’il venait de confisquer. Finalement, Pierre de Ruppes en appelle au roi de France et à son Parlement qui lui donne raison : en 1449, Pierre de Beaufremont, comte de Charny, remet à Pierre de Ruppes la seigneurie de Beaufremont, où il meurt en 1468 sans descendance.

Il avait cependant pris soin de désigner de son vivant pour lui succéder son cousin Jean III d’Arberg, seigneur de Valangin. Ce dernier l’avait en effet aidé dans sa quête pour recouvrer la seigneurie de Beaufremont, en échange de quoi Pierre de Ruppes fit à Jean d’Arberg un legs déguisé : il lui remit en viager la moitié de la seigneurie de Beaufremont dès 1450, tandis que l’autre moitié lui était engagée en garantie d’un prêt fictif. Par ce biais, Jean III d’Arberg devait entrer en possession de l’intégralité de la seigneurie à la mort de Pierre, ce qui fut confirmé dans le testament que Pierre rédigea peu de temps avant sa mort en 1468. Mais René Ier prononça pour la seconde fois la commise du fief de Beaufremont, contestant la légitimité de cette succession et notamment le legs déguisé. Il remit la seigneurie en janvier 1469 à son gendre Ferri, comte de Vaudémont, et à sa fille Yolande d’Anjou
. La terre de Beaufremont passa ensuite à leur fils René II, duc de Bar et de Lorraine, qui en confia la garde à son chambellan et grand écuyer Gérard d’Avillers. Finalement, après une première conférence infructueuse tenue en 1484 à Lucerne, un traité fut conclu au terme d’une seconde conférence qui eut lieu à Soleure en avril 1486 : Jean III d’Arberg dut vendre au duc René II la seigneurie de Beaufremont pour ensuite la reprendre en fief. Le 12 mars 1487, Claude d’Arberg fit foi et hommage au duc de Lorraine, son père lui laissant de son vivant le titre de seigneur de Beaufremont (Jean III décèdera en 1497) ; René II s’attacha aussitôt le nouveau seigneur en le nommant son conseiller et chambellan.

Cette cérémonie d’hommage coïncide avec le mariage de Claude avec Guillemette de Vergy. De leur union naît une fille unique, Louise, qu’ils marient en 1502 au comte Philibert de Challant, chambellan du duc de Savoie. Philibert décède en 1517, un an avant son beau-père le comte d’Arberg. C’est donc le petit-fils de Claude, René de Challant, qui lui succède. Il concentre alors dans ses mains un patrimoine foncier impressionnant, composé des biens des familles de Beaufremont, d’Arberg et de Challant
, et ne réside pas de manière permanente à Beaufremont.

René de Challant est quatre fois marié, à Marie Gaspardone (1522), Mancie de Portugal (1528), Marie de la Palud (1561) et enfin à Péronne de la Chambre (1563). De son second mariage, il a eu deux filles qui épousent chacune un représentant de la grande noblesse transalpine : l’aînée Philiberte s’allie à Joseph de Tornielle, et sa cadette Isabelle épouse Jean-Frédéric de Madruce. A la mort de René de Challant, les deux sœurs engagent une lutte acharnée pour obtenir l’héritage paternel. Isabelle s’appuie notamment sur un testament de son père, daté de 1557, qui déshérite sa sœur aînée à son profit, et elle s’empresse de prendre possession de ses biens et d’en dresser l’inventaire général. Cependant, Philiberte prétend qu’un second testament la rétablit dans ses droits. Beaufremont étant une possession mineure dans ce dossier complexe, les deux sœurs parviennent à un accord tacite de partage de la seigneurie. Mais en 1573, le duc de Savoie Emmanuel-Philibert donne raison à Philiberte et institue les Tornielle comme seuls propriétaires de Beaufremont. Au terme de longues procédures, Isabelle qui en a appelé au duc de Lorraine, le convainc qu’elle mérite autant que sa sœur une part de la seigneurie de Beaufremont : en octobre 1589, les héritiers de Philiberte et Isabelle s’accordent sur un partage du château et de la seigneurie de Beaufremont en deux lots d’égale importance.


Ce partage restera effectif jusqu’à la Révolution française. La moitié des Madruce passe aux Lenoncourt au début du XVIIème siècle puis est vendue en 1675 à la famille d’Alençon, tandis que la part des Tornielle passe à la famille Labbé en 1680. Entre-temps, le château est démantelé, sur ordre de Richelieu lors des campagnes de 1634, par François de l’Hospital, seigneur du Hallier. A la révolution, la terre de Beaufremont est saisie comme bien national, partagée en lots et vendue à plusieurs acheteurs, ce qui achève de ruiner le château. Aujourd’hui, le château est redevenu propriété de la famille de Bauffremont, issue de la branche cadette de Scey-sur-Saône.

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